On mange tous dans la même gamelle
Le quotidien, ce condensé d’espaces et de temps dans lequel je suis amené à faire, seul ou avec d’autres, implique une analyse permanente de l’institution qui organise le lieu dans lequel “ça se passe”. Pour qu’il soit un support favorisant l’émergence de ce qui est autre à soi-même, il doit pouvoir être aseptisé des idéologies colportées par les instances politiques et économiques qui financent le fonctionnement de ce lieu et des bonnes intentions que chacun de ceux qui y travaillent ont à l’endroit de celui dont ils sont censés “prendre soin”. Plus encore, Hector me pousse au pied du mur: comment faire lorsque la parole semble être le moyen pour parvenir à maintenir l’homogénéité d’un monde exclusivement assujetti au besoin et à sa satisfaction, lorsqu’elle constitue le ciment qui bouche les brèches, les “ouverts” de ce monde “incestuel”, lorsqu’elle devient l’arme redoutable grâce à laquelle l’altérité est refusée. S’il est possible de considérer le langage comme une institution, l’analyse que Marx développe au sujet du concept de fétiche et de la forme monnaie nous éclaire sur le fait qu’une langue, celle que parle l’économie “chrématistique”, réduit le langage à n’être qu’institué. Il y est alors préféré la signification sûre et univoque qu’un code délivre plutôt que la plurivocité et l’inconnu du sens des symboles qui nous sont donnés à tendre. Qu’en est-il de la fonction de la parole et de ses modes de propagation dans les divers lieux de soins? Sont-ils organisés de manière à garantir à minima la reconnaissance symbolique en jeu dans la parole? Une réflexion s’engage alors sur le statut épistémologique des concepts et théories que la littérature analytique nous offre et de la manière dont nous pouvons nous y attacher.